LE SOLEIL DE LA PETITE SILI

Texte écrit dans le cadre de l’atelier d’analyse filmique et de critique de Jebeniana (les 4, 5 et 6 août 2016)
Par Nesrine Ben Hafsi
La Petite vendeuse de soleil est un film sénégalais réalisé par Djibril Diop Mambety qui raconte les journées d’une jeune fille handicapée nommée Sili qui décide de devenir vendeuse de journaux pour subvenir aux besoins de sa famille.
On pourrait dès lors s’attendre à un traitement de type misérabiliste allant de pair avec la représentation du vécu des enfants des rues. Avec Djibril Diop Mambety, le film prend une autre tournure : le personnage de Sili est loin d’être le personnage typique du cinéma africain, son portrait se dessine autrement. La fraîcheur de ce jeune personnage nous fait tout de suite oublier son handicap, ainsi que la difficulté du métier qu’elle a choisi d’exercer pour une fillette de son âge. Ce portrait anéantit en nous toute velléité de condescendance : on est sur un même pied d’égalité avec le personnage. Par ailleurs, on ne quitte quasiment pas les traits de ce visage dont le sourire sourire illumine radieusement l’écran qu’il occupe dans la plupart des plans. A cet égard, je ne pense pas que le choix du titre – plus précisément, le mot Soleil – se limite uniquement au fait qu’il  réfère au titre du journal vendu par la petite fille mais il s’agit plutôt d’un indice sur lequel le spectateur est censé revenir tout au long du film. En effet, « la petite vendeuse » est aussi celle qui porte métaphoriquement ce « soleil» qui s’habille de plusieurs significations symboliques. Il faut dire que les moments où l’on reprend les métaphores du soleil sont les moments les plus forts du film. On peut citer par exemple l’instant où elle a adopté le croquis d’un soleil comme signature : c’est à partir de ce moment que Sili s’engage dans son défit ultime. On peut même dire que ce dessin est comme une signature de justicier qui réapparaît justement au moment où la fille s’est défendue contre l’injustice du policier qui l’a traitée de voleuse, de même que lorsqu’elle a pris la défense de la femme prisonnière et accusée à tort.
On peut remarquer aussi que Sili porte en elle le caractère d’un « héros féerique » : la jeune sénégalaise prend en main la mission de rectifier le désordre à travers son sens de la justice et de mettre fin au manque en prenant en charge les dépenses de sa famille pauvre. Et comme tout héros digne de ce nom, les moments de détresse par lesquelles elle passe la glorifient, comme lorsqu’on l’a harcelée pour qu’elle abandonne son métier : la jeune battante continue son combat pour la justice contre la pauvreté et l’inégalité avec un enthousiasme inépuisable. En aucun moment, on n’a vu Sili se retirer dans son coin pour pleurer sur son sort ; au contraire, elle marche toujours la tête haute et crie de toute ses forces le nom de son journal pour attirer les acheteurs. De même, face au commissaire, ce « pouvoir » opère comme par magie. Cette dernière affecte même la caméra qui, à aucun moment on ne l’avait vue se positionner en hauteur par rapport au personnage de Sili. Au contraire, elle se positionne au même niveau qu’elle ou, plus encore, parfois en contre-plongée, signe de glorification et de grandeur. Les autres personnages, en revanche, on ne les remarque, à l’exception d’une femme arrêtée par les policiers et que l’on pourrait considérer comme l’alter égo de Sili et de la grand-mère qui chante et qui raconte des histoires, que lorsqu’ils sont uniquement dans un cadrage serré au moment de leur confrontation avec Sili. Le statut de « justicière féerique » continue jusqu’au bout avec la scène de clôture, lorsqu’elle continue son chemin vers son « soleil » au fond du couloir obscur et se noie dans la luminosité de ce point de fuite sur le dos du garçon qui l’a aidée et défendue contre les autres. En fin de compte, la petite Sili laisse en nous son empreinte ensoleillée en changeant notre vision des enfants au service du dur labeur.

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