LA SOCIÉTÉ CIVILE AUX MIROIRS DE LA GAUCHE ET DE L’ISLAM POLITIQUE

Société civile : voilà un mot fétiche de la post-révolution tunisienne. Mais l’usage commun recouvre des représentations différentes.
On sait que l’islam politique, dans le long processus d’aggiornamento, impulsé depuis les années 1990, s’est, au début, penché sur cette notion pour en définir les contours dans les limites de la « raison islamique » (voir l’ouvrage de R. Ghannouchi : Muqarabât fil ’lmaniyawalmujtama’ al-madani, 1999).
De leur côté les différentes composantes de la gauche tunisienne, fidèles à l’impératif « défendre la société », qui fonde l’identité de toute gauche, mettent en avant une conception laïcisante de la société civile en se référant à l’occasion à l’œuvre de Gramsci et au patrimoine de résistance des associations de défense des droits civiques depuis des décennies.
Depuis 2011, les querelles de définition de la notion de société civile, ouvrent sur les enjeux pratiques immédiats au cœur de la construction démocratique. Certes, les protagonistes de la post-révolution célèbrent à l’unisson le rôle décisif de la société civile dans l’élaboration de la Constitution de 2014, mais les quiproquos quant à l’identification de cet acteur sont nombreux, et parfois savamment entretenus.
Nous voulons précisément contribuer à dissiper les confusions qui entourent cet acteur essentiel de la « Transition » qu’est la société civile en réunissant deux figures de la gauche et de l’islam politique et en les invitant à une déconstruction croisée de la notion.
Nous ne nous contenterons pas d’inviter les intervenants à nous livrer leur définitions respectives de la société civile, nous leurs poseront des questions précises sur des enjeux concrets qui engagent le devenir de la démocratie tunisienne :

  • Le tissu associatif, espace privilégiée d’expression non-étatique, se confond-il avec la société civile, comme on a tendance à le penser aussi bien dans la classe politique que dans le monde associatif ? Quid également du rôle de la société civile dans le contrôle du fonctionnement des institutions ? Les associations doivent-elle être dotées de nouvelles prérogatives comment le droit élargi d’ester en justice et de se porter partie civile ?…
  • Quid de la place des mosquées dans la société civile ? Celles-ci sont-elles des lieux d’expression politico-religieuse (sachant que la Constitution est ambiguë à ce propos) ou des lieux de culte contrôlé par un service public du religieux garanti par l’Etat ?
  • Le mouvement syndical dont le rôle spécifique dans la vie politique tunisienne est depuis longtemps avéré, est-il l’animateur principal de la société civile dont il constitue une sorte de maison commune ? Ou alors l’UGTT est-elle un intrus majeur dans la vie politique dont il perturbe le fonctionnement ordinaire ?

Autant de questions qui sont dans toutes les têtes mais le débat qu’elles doivent susciter est constamment remis à plus tard. Notre vie politique est ainsi faite qu’elle avance en occultant les idées et les échanges entre les différents acteurs. Cette initiative est une contribution pour sortir de cet engrenage à rebours de la construction démocratique.



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