La norme juridique en butte aux aléas de la transition politique en Tunisie : le cas des médias Larbi Chouikha Professeur à l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI, Université de la Manouba, Tunisie),
Résumé
Nous partons du postulat que l’édiction de principes juridiques les plus libéraux n’acquièrent leur sens véritable que dans le contexte dans lequel ils sont indexés représentés et pratiqués par les individus. Autrement dit, l’application effective des textes juridiques ne dépend pas des schèmes à partir desquels ils ont été conceptualisés et élaborés mais de la manière par laquelle ils seront interprétés et intériorisés par les acteurs concernés. Or, depuis le 14 janvier 2011, plusieurs textes juridiques portant sur des pans entiers de la vie sociale et politique ont vu le jour. Et cinq ans après, nous observons que plusieurs d’entre eux n’ont pas eu les effets attendus au regard souvent de leur inadéquation à un environnement où les pratiques et les comportements des acteurs ne tiennent pas compte des dispositions énoncées quand ils ne sont pas en contradiction flagrante avec l’esprit même des textes adoptées. Le cas des médias est une bonne illustration pour jauger le contraste qui existe entre, d’un côté, un cadre juridique jugé libéral et de l’autre, des pratiques et une gestion bien en deçà des principes édictés. En effet, nous constatons que des réformes initiées au lendemain du 14 janvier dans le secteur des médias n’ont pas abouti ou ont du mal à se mettre en place et parmi les raisons invoquées, cette propension des acteurs publics dans la Tunisie post 14 janvier à vouloir privilégier la règle juridique au dépend d’une démarche pragmatique voire réflexive fondée sur l’observation au sein des institutions et sur le vécu des individus. Pour les acteurs publics, il appert de penser d’abord au cadre juridique et institutionnel dans la mesure où la norme juridique qui en résultera, servira ensuite de déclic pour impulser les réformes à initier dans le secteur. Examinons donc dans un premier temps le cadre juridique et institutionnel qui régit actuellement le paysage médiatique afin de circonscrire par la suite les manifestations du contraste entre la norme juridique et les pratiques et comportements effectifs des différents acteurs.
La nouvelle configuration médiatique
Au lendemain du 14 janvier 2011, le champ médiatique subit les soubresauts de ce paradoxe : d’un côté, la suppression du ministère de la Communication[1] et de l’Agence de communication extérieure (ATCE)[2], et de l’autre, l’abrogation du Code de la presse[3] et la levée des obstacles érigés contre la libre expression ont permis l’avènement des nouveaux acteurs et la libre diffusion des expressions jusque-là, muselées ou interdites d’être citées. Mais dans le même temps, cette situation « d’ouverture » qui survient pour la première fois par le « bas », se singularise, cette fois-ci, par l’absence d’une autorité centrale, légitime, et d’un cadre juridique et institutionnel à même de réguler le monde des médias et des journalistes. La conséquence qui découle de ce paradoxe, c’est que les journalistes qui ont vécu plus d’un demi-siècle sous une chape de plomb, se sont trouvés livrés à eux-mêmes, dans l’obligation d’agir dans un espace de liberté totale dans lequel ils n’étaient préparés ni professionnellement, ni culturellement[4]. Et du fait même des conséquences de sa dépendance au pouvoir politique depuis les années de l’indépendance, le monde des médias et celui des journalistes sont loin de constituer un corps homogène, soudé et cimenté par les principes qui régissent leur profession.
De surcroît, dans cette phase de transition, l’absence de transparence au sein des entreprises de presse, la précarité de la profession de journaliste, risquent de dévoyer la mission des médias pour en faire des instruments entre les mains des acteurs politiques et économiques puissants.
Des normes juridiques pour réformer les médias
La volonté politique qui avait émergé aussitôt après le départ de Ben Ali se cristallisait autour de deux axiomes ; d’abord, la nécessité de commencer à élaborer les textes juridiques afin de combler le vide juridique créé par l’abrogation du Code de la presse de 1975, ensuite, la création d’une commission nationale de la communication qui aurait les prérogatives de l’ex ministère de la communication. Car dans l’esprit du gouvernement de l’époque, il était devenu nécessaire que l’Etat se désengage de ce secteur qui fut souvent malmené par les gouvernements successifs depuis l’indépendance[5]. Après échanges et discussions, il a été convenu de créer une commission de réflexion et de propositions pour la réforme du secteur des médias et de la communication[6]. Et c’est ainsi que naquit l’Instance nationale indépendante pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC) en vue de combler le vide juridique et institutionnel qui perdure dans le secteur des médias depuis le départ de Ben Ali et en prélude aux élections de l’Assemblée Nationale Constituante du 23 octobre 2011.
Dotée uniquement d’une compétence consultative, l’INRIC était principalement chargée « d’émettre des propositions sur la réforme du secteur de l’information et de la communication tout en observant les normes internationales en matière de liberté d’expression » (Article 2, Décret-loi N°10-2011 du 2 mars 2011).
Son ambition fut de développer le cadre juridique de l’information et de la communication en vue de hisser le droit tunisien de la communication au niveau des normes en vigueur dans les pays démocratiques. Mais elle avait également pour mission d’asseoir une nouvelle culture de service public au sein des médias anciennement gouvernementaux et d’émettre des avis à propos des nominations à la tête desdits médias. L’INRIC a émis des recommandations en vue d’autoriser des nouvelles stations de radio et des chaînes de télévision à émettre, conformément au cahier de charges qu’elle a élaboré à cette fin. Elle a publié un rapport de 300 pages dans lequel sont consignées les recommandations nécessaires en vue de réformer les médias[7]. Dans son rapport, l’INRIC recommandait la nécessité d’approfondir le travail déjà entamée par elle en dressant un état des lieux des médias, surtout publics, en vue de circonscrire tous les dysfonctionnements et les maux qui rongent ce secteur et de délimiter les responsabilités de chacun. Mais c’est seulement le volet juridique qui retiendra l’attention des acteurs publics
Le cadre juridique et institutionnel
Deux dispositifs juridiques élaborés en concertation avec la sous-commission de la presse et des médias[8] régissent aujourd’hui les médias (presse écrite et audiovisuels):
– La législation sur la presse, l’impression et l’édition (décret-loi n°115 Journal officiel n°84 en date du 4 novembre 2011) qui est construite autour de quatre chapitres qui portent respectivement sur le régime des entreprises de presse, le statut du journaliste professionnel, le droit de rectification et de réponse et la responsabilité pénale. La législation sur la presse consacre la liberté du journaliste d’accéder aux informations et de les diffuser (article 9 et 10), tout comme la protection de ses sources (article 11).
À l’opposé des anciennes dispositions de 1975, ce nouveau Code de la presse interdit notamment toute ingérence du ministère de l’Intérieur dans les domaines de la presse et de l’édition qui relèvent désormais du pouvoir judiciaire. Il réhabilite le rôle du journaliste et consacre la séparation entre l’administration et la rédaction d’une entreprise de presse.
S’alignant sur les codes des pays démocratiques, les peines privatives de liberté en matière de diffamation et d’injures sont supprimées et remplacées par des peines financières. Sur les douze peines privatives de liberté que contenait l’ancien Code de la presse promulgué en 1975, seules trois peines ont été maintenues : l’incitation à la discrimination raciale ou à la violence contre des personnes pour leur origine, leur religion ou leur sexe, la production, la distribution, la vente et l’importation de produits pornographiques à caractère pédophile, l’incitation à l’homicide ou au pillage, au viol ou à l’atteinte à l’intégrité physique.
Il consacre le régime déclaratif en supprimant le régime d’autorisation dans les domaines de l’édition des livres, des ouvrages et des périodiques et le remplace par la simple déclaration. Il comprend également des dispositions fixant les conditions d’accès au statut de journaliste professionnel et consacre le droit des journalistes à l’accès aux informations et à la liberté de diffusion, tout en assurant la protection du secret de leurs sources.
– Le décret-loi n° 116 du 2 novembre 2011, relatif à la liberté de communication audiovisuelle et portant création d’une instance supérieure indépendante de la communication audiovisuelle a comblé un vide juridique.
Ce décret-loi consacre la liberté de la communication audiovisuelle et admet, pour la première fois, qu’à côté des médias audiovisuels – publics et commerciaux -, existe un tiers secteur média, constitué par les radios-télévisions associatives, c.-à-d, non commerciales.
Par ailleurs, ce décret-loi stipule la création d’une Haute Autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) qui dote pour la première fois la Tunisie, d’un instrument de régulation des médias audiovisuels. Inspiré entre autres des législations française et belge en la matière, le texte attribue à la Haute autorité une personnalité civile et une autonomie financière et la charge « de garantir la liberté et le pluralisme de la communication audiovisuelle » (Art 3 et Art 6). Celle-ci est composée (Art. 7) de neuf membres, nommés pour un mandat de six ans non renouvelable[9]. Le texte attribue à la Haute autorité une personnalité civile et une autonomie financière et la charge « de garantir la liberté et la pluralisme de la communication audiovisuelle » (Art 3 et Art 6).
LA HAICA dispose de pouvoirs décisionnels, de contrôle et de sanction (Art. 16, 17, 18). Elle est notamment chargée ; d’une part, de faire respecter les règles applicables au secteur de la communication audiovisuelle par l’ensemble des acteurs. D’autre part, de statuer sur les demandes d’octroi des licences relatives à la création et à l’exploitation des médias audiovisuels. Enfin, de veiller à garantir la liberté d’expression et le pluralisme des idées et des pensées, en particulier en ce qui concerne l’information politique, tant pour le secteur audiovisuel privé que public…. Elle dispose en outre du droit « d’avis conforme » pour les nominations à la tête des médias audiovisuels publics.
Dix mois après son démarrage, la HAICA rend publics les cahiers de charge pour l’octroi de licences relatives à la création et à l’exploitation de radio ou de télévision privée ou associative[10] : interdiction pour le titulaire d’une licence d’assumer des responsabilités partisanes, d’être à la tête d’un institut de sondage ou d’une agence de publicité. Il ne peut par ailleurs cumuler plus d’une station de radio et une chaîne de télévision à la fois. Les cahiers des charges de la HAICA énoncent aussi les conditions à remplir par les médias audiovisuels, notamment ; le respect de la dignité humaine, de la vie privée et de la liberté de culte, la protection des droits de la femme, des enfants, des personnes âgées et des handicapés, la sanction des discours incitant à la haine, à la discrimination et à la violence…. Concernant la réglementation de la publicité : celle-ci est interdite pour les partis politiques, pour le tabac, l’alcool, le charlatanisme et tous types d’armes.
Durant les campagnes électorales, elle est également chargée de veiller au respect des textes législatifs qui fixent les règles de programmation et de diffusion des séquences relatives aux campagnes électorales et, dans tous les cas, elle dispose du pouvoir de sanctionner les infractions commises par les entreprises audiovisuelles.
Cependant, les gouvernements issus des élections du 23 octobre 2011 étaient frileux à l’idée qu’il fallait se désengager complètement d’un secteur qui fut, jadis, l’apanage des gouvernements tant sous Bourguiba que durant le règne de son successeur Ben Ali[11]. Et cette frilosité explique la raison pour laquelle ces décrets lois (n°115 et 116) n’ont été activés qu’une année après leur publication au Journal Officiel (4 novembre 2011). En effet, c’est sous la pression des journalistes et précisément, à la suite de la grève générale qu’ils avaient observés le 17 octobre 2012 sur tout le territoire et dans tous les médias confondus – une première en Tunisie –[12] que le gouvernement de la troika[13] sera acculé à l’annoncer le jour même. L’annonce de la composition de la HAICA est intervenue le 3 mai 2013 » ; soit, deux années après la publication du décret de sa création au Journal Officiel (4 novembre 2011).
Par ailleurs, les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, de communication et de publication sont garanties dans le texte constitutionnel de janvier 2014[14].
« Ces libertés ne sauraient être soumises à un contrôle préalable » (Art 31), et le droit à l’accès à l’information et « aux réseaux de communication », est garanti (Article 32).
Mais le texte constitutionnel lui-même, contient des dispositions ambigües et contradictoires véhiculant deux conceptions opposées de l’État, l’une séculière et l’autre islamo-conservateur. Par exemple, l’article 6 stipule : « L’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes…. L’État s’engage (…) à protéger les sacrés et à interdire d’y porter atteinte,…». Reste à savoir ce qu’il convient d’entendre par «les sacrés » et dans quelle mesure «interdire d’y porter atteinte» peut avoir des conséquences sur la liberté d’expression. En inscrivant l’interdiction de toute atteinte au sacré dans la Constitution, la porte demeure ouverte à d’éventuelles atteintes aux droits humains. Par ailleurs, le caractère infra-constitutionnel des traités et accords internationaux ratifiés (article 20) inquiète les défenseurs des droits de l’homme qui voient là une possibilité pour l’État de ne pas respecter ses obligations internationales en matière des droits de l’Homme. Et de plus, il appartient au juge d’interpréter cette disposition de manière compatible avec la Convention de Vienne sur le droit des traités, ratifiée par la Tunisie, laquelle affirme en son article 27 : « Un Etat partie à un traité ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution du traité » [15].
En définitive, la démarche consensuelle, en dépit des dispositions contradictoires qu’elle a contribuée à introduire dans le texte constitutionnel, n’en a pas moins permis l’adoption d’une Constitution. Mais l’interprétation et l’application effective de ces dispositions demeurent tributaires du rapport des forces politiques du moment et du poids des mentalités ambiantes.
Une pratique et des comportements en total déphasage.
Déjà, durant la période de vide juridique et institutionnel 2011-2013, des pratiques et des comportements illicites au regard des dispositions des décrets loi 115 et 116 ainsi que des principes éthico professionnels ont émergé et perdurent encore en toute impunité. A titre d’exemple, des chaînes de télévision et des stations de radio diffusent ou émettent en toute impunité alors qu’elles ne disposent d’aucune autorisation légale de la HAICA et la plus emblématique, est Ezzitouna TV, créée pendant l’année 2012 par le fils d’un ancien ministre d’Ennahdha (mouvement islamiste) de la troïka. A l’instar de ce que nous mentionnons (cf supra) celui-ci ne peut prétendre à une autorisation du fait de son appartenance à une instance dirigeante d’un parti politique, Ennadha en l’occurrence. Il n’empêche que la chaîne diffuse en toute quiétude.
Aujourd’hui, avec l’octroi des dernières autorisations (décembre 2016), le paysage audiovisuel tend à se diversifier : Pour les chaînes de télévisions, on dénombre 11 chaînes privées et 2 chaînes publiques, et pour les stations de radio, 23 stations privées, 10 radios associatives, 11 radios publiques auxquelles il faut ajouter les deux stations qui ont été confisquées depuis la « révolution » parce qu’elles appartenaient aux proches de la famille de l’ex président Ben Ali. Cependant, la question de la transparence des sources de financement des chaînes et des stations privées se pose avec acuité quand on sait que l’enveloppe publicitaire allouée chaque année aux médias audiovisuels – selon des experts en publicité, celle-ci serait estimée à 120 MDT, soit, environ, 50.000 000 d’Euro – ne suffit pas, à elle seule, à subvenir aux besoins de tous ces médias. Par conséquent, le risque est grand pour que des médias audiovisuels dont la situation financière est précaire sombrent dans le filet des lobbies politiques, financiers ou religieux. Dans la plupart des entreprises de presse, on relève des pratiques en contradiction avec les dispositions légales telles que : l’opacité financière, l’absence de ligne éditoriale et de structures rédactionnelles autonomes de l’administration, le non-respect du cahier des charges de la HAICA notamment ; le respect de la dignité humaine, de la vie privée et de la liberté de culte, la protection des droits de la femme, des enfants, des personnes âgées et des handicapés, la sanction des discours incitant à la haine, à la discrimination et à la violence…., en plus des nombreux problèmes éthico-professionnels. De plus, au sein de la plupart des entreprises de presse, on observe l’absence de structures destinées à promouvoir et à protéger les principes éthico professionnels tels que les conseils de rédaction[16], mais aussi les conférences de rédaction, les chartes rédactionnelles… Dans ce contexte, le lien de subordination qui lie le journaliste à l’entreprise et à son propriétaire prend le dessus sur le respect des principes professionnels et éthiques. Dans les médias privés, la précarité du métier et la détérioration des conditions matérielles peuvent contraindre les journalistes, soit à se plier aux directives patronales, à pratiquer l’autocensure ou carrément, à quitter leur entreprise. Dans les médias publics, il arrive que le pouvoir exécutif recoure à des faux prétextes pour limoger un PDG de la télévision publique jugé « non convenant » comme ce fut le cas le15 novembre 2015[17], mesure qui, pourtant, n’est pas conforme aux dispositions du décret-loi 116[18]. Dans tous les médias confondus, des rapports font régulièrement état des pressions que subissent des journalistes sur le lieu de travail de la part de leur direction[19]
De plus, des « lignes rouges » réapparaissent dans la couverture médiatique telles que : la sécurité nationale, l’identité nationale, l’Islam, les forces armées, la lutte contre le terrorisme…Et en cas de transgression, leurs auteurs sont l’objet, soit de poursuites judiciaires en vertu de dispositions du Code pénal datant de l’ère Ben Ali[20], soit d’agressions physiques de la part de groupe se réclamant du mouvement « salafiste ».
Les transgressions aux lois et à l’éthique en vue de booster l’audience ou de faire du prosélytisme religieux, de la propagande politique, du buzz sont fréquentes et rarement sanctionnées. A titre d’illustration, au cours de l’émission ‘‘Entre la charia et la loi’’, diffusée jeudi 14 août 2014, le chroniqueur de la chaîne ZitounaTV (qui ne dispose pas d’autorisation) accuse en direct, «le gouvernement (de mener) une guerre contre la religion», que «l’islam est en danger en Tunisie » tout en implorant « Allah de se venger contre ceux qui s’en prennent à l’islam et au pays, selon le journal[21].
D’autre part, des dérives homophobes, sexistes, racistes… font régulièrement scandales et incitent parfois la HAICA à réagir. Par exemple, en octobre 2016, « l’apologie au viol » sur une fille mineure dans une émission de grande écoute a suscité l’indignation de larges franges de tunisiens qui ont réagi à travers les réseaux sociaux et la HAICA a été amenée à sanctionner la chaîne et à interdire la diffusion de l’émission pour une période de trois mois. La raison invoquée par elle, c’est que le présentateur « n’a pas respecté la dignité de cette Tunisienne présentée comme ayant 18 ans mais qui en avait en réalité 17 ». Lors de cette émission, le présentateur a « mis en doute le viol » et a « fait porter à l’enfant la responsabilité de ce qui s’est passé ». Il l’a également « appelée à se marier avec son violeur (…), ce qui constitue une incitation à l’impunité, sans compter l’impact sur la psychologie de l’enfant et le sentiment de culpabilité que cela provoque en elle », lit-on dans le communiqué[22]. Par ailleurs, le plagiat des concepts d’émissions étrangères et la violation du copyright ne sont pas rares et le même animateur est accusé par une chaîne publique française d’avoir plagié le concept d’une de ses émissions, sans son autorisation[23].
A propos de la presse écrite, l’absence d’une autorité centrale à l’instar du secteur de l’audiovisuel et la désaffection du public à son égard font que ses dérapages ne suscitent plus la même indignation que celle que peut provoquer la télévision ou la radio. Ses conditions matérielles sont devenues très précaires aujourd’hui. Ses ventes ne cessent de chuter du fait de la concurrence de la presse électronique et de l’usage généralisé des réseaux sociaux, et les recettes publicitaires baissent en conséquence. Elle se caractérise aussi par l’opacité des données se rapportant aux sources de financement, à la ligne éditoriale, à la vente des exemplaires,… La raison porte sur le fait qu’elle n’est pas soumise au régime de la régulation institutionnelle à l’instar des médias audiovisuels, et dans ce cas, il revient à la profession d’envisager la création d’un Conseil de presse. Or, les atermoiements autour de la création de cette structure d’autorégulation ne font qu’accentuer le malaise qui règne déjà dans ce secteur[24].
Pour ce qui est de la HAICA, depuis sa création, elle bute sur des écueils multiples qui rendent sa tâche particulièrement rude et son fonctionnement très fragile. Elle a été créée dans un contexte politique et médiatique en pleine effervescence sous la troïka, marquée par une bipolarisation de la société (islamistes versus sécularistes), et l’annonce de sa composition n’a été rendue publique une année et demie depuis la publication au Journal Officiel du décret de sa création. Mise en difficulté par certains acteurs politiques qui approuvent le viol des dispositions qu’ils ont eux-mêmes votées[25], confrontée à la volonté des propriétaires de l’audiovisuel de la marginaliser et en butte à l’absence de soutien de la part du gouvernement, la HAICA est incapable de faire appliquer les sanctions prises à l’encontre des médias contrevenant à la réglementation de l’audiovisuel[26]. De plus, la culture de la régulation de l’audiovisuel, complètement méconnue du temps de Ben Ali, n’a pas encore innervé le monde des médias. Plusieurs acteurs semblent confondre la régulation institutionnelle à la défense des intérêts corporatistes, à des fins particularistes (affairistes, religieux, politiques,….), aux prérogatives dévolues autrefois au ministère de l’information… En plus de ces défis, les relations entre ses membres n’ont jamais été reluisantes. Réduite à cinq membres après la défection de quatre de ses membres, la HAICA risquait de se trouver paralyser faute de quorum. Elle ne doit son survie qu’à la décision du gouvernement de surseoir aux postes vacants par un décret gouvernemental en date du 22 juin 2015. D’autre part, selon les nouvelles dispositions constitutionnelles, la HAICA est appelée à se muer en une Instance de la communication audiovisuelle et fera partie des insistances constitutionnelles (article 125). Cependant, à l’instar des collèges des instances constitutionnelles, celle-ci sera élue à une majorité renforcée par le parlement, et par conséquent, elle reflètera, pour partie, les rapports de force politique au sein de l’assemblée législative (Art 127). Ce mode de désignation risque de mettre en doute l’indépendance de la future HAICA.
Le monde des médias et des journalistes n’est pas isolé du reste de la société. Il est traversé par différents clivages qui ont émergé depuis l’avènement des gouvernements issus des élections d’octobre 2011. Et la meilleure illustration, c’est la bipolarisation de la scène politique autour d’enjeux considérés comme vitaux par l’une ou l’autre des parties, qui a mis à mal pendant plus de deux ans l’issue du débat constitutionnel et l’application du cadre juridique qui régit les médias[27]. Les conséquences qui en découlent se répercutent naturellement dans le monde des médias audiovisuels ; D’abord, l’élaboration du cadre juridique et institutionnel (les décrets lois 115 et 116) n’a pas provoqué les réformes nécessaires au sein des rédactions et dans l’organisation des entreprises de presse. De plus, celles-ci sont souvent livrées à elles-mêmes, sans véritables garde fous, succombant souvent aux sirènes de l’audimat par le buzz et le sensationnalisme[28] et se déployant parfois aux mépris des principes juridiques et professionnels, dominées de plus en plus par les puissances de l’argent et des interférences politico-religieuses….A ce propos, un rapport sur « les propriétaires des médias audiovisuels privés » [29] effectué à partir d’un travail d’enquête et de recoupement sur la base de documents administratifs, met en lumière la propension des milieux d’affaires, des groupes religieux et des politiciens fortunés à investir dans les médias audiovisuels privés. Et selon le rapport, on observe que la polarisation du champ politique (Ennahdha/Nida Tounès) se répercute quasi naturellement dans le secteur audiovisuel[30] ; ce qui risque de remettre en cause les principes de pluralité et de diversité du paysage médiatique. Autre raison plus générale et non des moindres ; les leçons portant sur les implications des personnes dans le système qui a régenté les médias et l’information sous Ben Ali n’ont jamais été tirées au grand jour ou même, circonscrites[31]. Et l’Instance Vérité et Dignité (IVD) censée établir les responsabilités des exactions commises par le régime politique issu de l’indépendance, n’a vu le jour qu’en mai 2014, soit plus de trois ans après le départ de Ben Ali. De surcroît, cette institution présidée par une ancienne militante des droits de l’Homme, Sihem Ben Sédrine, fait l’objet d’une campagne de presse contre elle et l’IVD, elle-même, se trouve fragilisée du fait des démissions de certains de ses membres[32].
Aujourd’hui, médias audiovisuels créés sous Ben Ali côtoient ceux qui ont vu le jour après le 14 janvier 2011 et médias dépourvus d’autorisation légale cohabitent avec les médias légalement autorisés à émettre ou à diffuser. Au sein d’une même rédaction, le contraste est frappant entre les journalistes attachés au respect des principes professionnels et à l’éthique et ceux qui les bafouent en toute impunité. Et dans cette anomie qui caractérise le paysage médiatique, il n’est pas rare de voir certaines télévisions, supplanter la mission de l’IVD, en permettant à des hommes de l’ancien régime poursuivis par la justice pour leurs crimes commis sous Ben Ali de se « dédouaner » en direct, à partir de leur exil de l’étranger[33]
Conclusion
Au terme de notre exposé, il convient de nous demander pourquoi ces textes en vigueur depuis 2011 qui régissent les médias font constamment l’objet de transgressions voire de violations, au risque de se banaliser à la longue ? D’abord, j’observe que l’élaboration de ces textes est davantage marquée par des schèmes et des références véhiculés par le truchement des experts – étrangers ou nationaux – qui sont souvent sollicités par le gouvernement ou par des instances publiques. Il arrive que ces experts locaux, juristes de formation ; enseignants, avocats, magistrats,… n’aient pas une parfaite connaissance du vécu professionnel des journalistes ni un background suffisant pour saisir toute la complexité d’une entreprise médiatique. Par conséquent, ils se trouvent souvent acculés de concilier leurs impératifs professionnels à ceux de leur mission ponctuelle d’élaboration des textes juridiques. Ce faisant, leur propension les conduit à la fois à se rabattre sur les témoignages des acteurs nationaux qui ont daigné se produire devant eux pour relater leurs expériences et de se mouvoir sur le web, au gré de leur pérégrination virtuelle, en quête de modèles ou de références jugés – transposables – à notre environnement.
Pour ma part, j’appelle de mes vœux à inverser radicalement cette démarche et de partir du postulat que tout processus d’élaboration d’un cadre juridique et institutionnel en vue de règlementer les médias doit nécessairement être conçu et pensé à partir d’une dynamique propre au mouvement de réformes à initier dans tous les médias et à tous les échelons ; de la formation à la production journalistique. Pour ce faire, cette volonté de réforme ne peut émaner – dans la Tunisie post 14 janvier – que du gouvernement, qui doit, au préalable, se doter d’une vision claire et précise et d’un document programmatique sur ce que devraient être les médias et à fortiori, les médias publics, dans cette phase de transition politique ? Et c’est dans cette perspective et à partir d’un diagnostic minutieux du secteur des médias que nous pouvons ainsi envisager l’élaboration des textes juridiques. Ce travail de réflexion normative doit nécessairement se greffer sur les objectifs de réformes à accomplir – tels qu’ils auraient dû être fixés par le gouvernement – et non, livré uniquement à l’expertise juridique et à la démarche spéculative. Dans ce travail de conception et de rédaction des textes, il importe aussi de tenir compte des particularismes socio historiques qui caractérisent le monde des médias et celui des journalistes dans leur ensemble, mais aussi les mentalités ambiantes, les implications et le « jeu » des ex affidés de Ben Ali dans ce secteur, ainsi que les singularités qui distinguent chaque support médiatique. Bien évidemment, ce débat doit trouver échos dans les organisations de la société civile mais aussi au sein du pouvoir législatif quand il sera saisi pour débattre des projets de textes.
Par conséquent, en l’absence d’une ferme volonté politique de l’Etat à s’y impliquer énergiquement et à partir des craintes exprimées dans mon exposé, il serait hasardeux aujourd’hui de faire des prédictions tant la situation des médias et l’évolution du pays dans son ensemble sont encore imprévisibles. La bonne et saine « gouvernance » exige un minimum de confiance réciproque entre d’un côté, les différents acteurs du processus de transition et, de l’autre, entre les gouvernants et les gouvernés. Dans le cas contraire, les risques sont grands pour que cette situation favorise un climat de suspicion et de méfiance réciproque et, dans le cas extrême, nous plonge dans une violence polymorphe.
[2] L’ancienne agence de communication gouvernementale de l’ex Président Ben Ali. Elle sera dissoute par décret n°3292 du Chef du gouvernement en date du 18 décembre 2012 (Journal Officiel de la République Tunisienne – JORT)
[3] Elaboré une première fois en 1975, il sera amendé à plusieurs reprises depuis. Il est qualifié de liberticide par les militants des droits de l’homme[4] CF, Larbi Chouikha, « Postface : Une « transition » difficile », L’Année du Maghreb [En ligne], 15 | 2016, mis en ligne le 21 décembre 2016, consulté le 13 janvier 2017. URL : http://anneemaghreb.revues.org/2890.
[5] CF, Larbi Chouikha, in, La difficile transformation des médias, Ed Finzi, Tunis 2015, Chap I – De l’étatisation de l’information depuis les années d’indépendance au 14 janvier 2011.
[6] Larbi Chouikha et François Siino, « Le chercheur-citoyen saisi par l’évènement. Penser, agir, s’engager pour la transition. Entretien avec Larbi Chouikha », REMMM, n° 138, décembre 2015, < https://remmm.revues.org/9316>.
[7] Cf, Rapport général de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC). État des lieux et voies des réformes, septembre 2012. www.inric.tn.
[8] Rattaché au « comité des experts » de la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (HIROR, sorte de mini parlement) qui a fonctionné du 14 janvier 2011 à l’élection de l’Assemblée constituante du 23 octobre 2011.
[9] Trois membres sont désignés par le président de la République et le président de l’ANC (parlement), et les six autres membres, élus ou désignés par le syndicat des journalistes, le Syndicat général de la culture et de l’information relevant de l’UGTT (la centrale syndicale), le syndicat des directeurs des entreprises de l’audiovisuel et l’association des magistrats. La présence de magistrats a été voulue par les rédacteurs du texte dans la mesure où la HAICA constitue un premier degré de juridiction susceptible d’être amené à prendre des décisions urgentes (par exemple en période de campagne électorale).
[10] Le 6 mars 2014 http://haica.tn/fr/espace-professionnels/cahiers-de-charges/
[11] Cf, Chap I – De l’étatisation de l’information depuis les années d’indépendance au 14 janvier 2011, in Larbi Chouikha (2015)
[12] Cf, le communiqué du Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) appelant à la grève générale en date du 14 octobre 2012 pour dénoncer les atteintes à la profession et pour revendiquer une protection juridique et une amélioration des conditions morales et matérielles
[13] Une coalition au pouvoir constituée au lendemain des élections de la constituante du 23 octobre 2011 formée essentiellement du mouvement islamiste Ennahdha et de ses deux alliés « laïcs» de moindre importance numérique, le Congrès pour la République (CPR) et le parti Ettakatol.
[14] http://www.legislation.tn/sites/default/files/news/constitution-b-a-t.pdf
[15] Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales 1986,
http://legal.un.org/ilc/texts/instruments/french/conventions/1_2_1986.pdf
[16] Rapport spécial : Les conseils de rédaction dans la presse publique tunisienne. Expériences et défis, publié par l’Observatoire du Centre de Tunis pour la Liberté de la Presse. Septembre 2013, http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports
[17] http://mediterranee-audiovisuelle.com/tunisie-le-pdg-de-la-television-tunisienne-limoge/
[18] La HAICA n’a pas été préalablement informée par la décision gouvernementale de limoger le PDG des télévisions publiques et un recours au Tribunal administratif a été introduit par elle.
[19] CF, Les rapports des ONG comme l’observatoire du Centre de Tunis pour la liberté de la presse sur les violations enregistrées en 2014 http://www.ctlj.org/index.php/fr/rapports
[20] Par exemple, Art 226 bis du Code pénal, « Est puni de six mois d’emprisonnement et d’une amende de mille dinars quiconque porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gène intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur » ou l’article 91 du code de justice militaire qui prévoit une peine allant jusqu’à 3 ans de prison à l’encontre de quiconque « se rend coupable […] d’outrages au drapeau ou à l’armée, d’atteinte à la dignité, à la renommée, au moral de l’armée, ou d’actes de nature à affaiblir la discipline militaire, l’obéissance et le respect dus aux supérieurs, ou de critiques sur l’action de la hiérarchie militaire ou des officiers de l’armée, portant atteinte à leur dignité. »
CF, https://www.article19.org/resources.php/resource/38540/fr/la-justice-militaire-menace-la-liberte-dexpression-en-tunisie.
[21] http://www.kapitalis.com/index.php?option=com_content&view=article&id=24052:zitounatv-accuse-le-gouvernement-tunisien-de-faire-la-guerre-a-l-islam-video&catid=187:kanal&Itemid=731. Voir aussi à ce propos, Le prêche de la discorde ; dérapage sur Ezzitouna-TV, in La Presse Magazine, dimanche 24 août 2014, N°1401, Samira Dami, pp 24-25.
[22] http://www.jeuneafrique.com/367285/societe/tunisie-lemission- controversee-dalaa-chebbi-suspendue-pendant-trois-mois/
[23] Il s’agit de l’émission « Le Divan » de Marc-Olivier Fogiel diffusée sur FR3. La chaîne privée Elhiwar Ettounsi diffuse sur son antenne « Ma binetna » (Entre nous). « Même divan rouge, même décor, même ambiance lumineuse ». http://www.ozap.com/actu/-le-divan-de-marc-olivier-fogiel-plagie-en-tunisie/517135
[24] Tunisie/ Médias : La création d’un Conseil de presse ne fait pas l’unanimité, in GlobalNet, 12/02/2014
http://www.gnet.tn/temps-fort/tunisie/-medias-la-creation-dun-conseil-de-presse-ne-fait-pas-lunanimite/id-menu-325.html.
[25] Riadh Guerfali, « La HAICA et l’Hypocrisie avec un grand “H” de Issam Chebbi »,<http://nawaat.org/portail/2014/10/01/la-haica-et-lhypocrisie-avec-un-grand-h-de-issam-chebbi/>.
[26] Tunisie – Larbi Chouikha : «Pourquoi la Haica ne fait pas autorité ? », in Jeune Afrique le 18 mai 2016 http://www.jeuneafrique.com/mag/323677/culture/tunisie-larbi-chouikha-haica-ne-autorite/
[27] Éric Gobe et Larbi Chouikha, « La Tunisie politique en 2013 : de la bipolarisation idéologique au « consensus constitutionnel » ? », L’Année du Maghreb [En ligne], 11 | 2014, mis en ligne le 02 décembre 2014, consulté le 28 décembre 2016. URL : http://anneemaghreb.revues.org/2340 ; DOI : 10.4000/anneemaghreb.2340.
[28] Lilia Blaise Entre mauvais goût et dérapages, la télé tunisienne apprend à gérer sa soudaine liberté Dernière mise à jour 1 décembre 2016 : http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/entre-mauvais-go-t-et-d-rapages-la-t-l-tunisienne-apprend-g-rer-sa-soudaine-libert.
[29] « Les propriétaires des médias audiovisuels privés disposant d’une licence de la HAICA » Janvier 2011 – Novembre 2016. 100 pages, rapport rédigé par une chercheuse et journaliste Mouna Mtibaâ pour le compte d’une ONG tunisienne l’Association vigilance pour la démocratie et l’Etat civil déc 2016 (en arabe).
[30] L’identité de plusieurs propriétaires des médias audiovisuels fait apparaître une affiliation proche ou lointaine à l’une des deux formations politiques dominantes.
[31] Cf. « Pour la vérité sur le système Abdelwahab Abdallah », Déclaration à l’occasion du 59e anniversaire de la République tunisienne juillet 2016. A. Abdallah, ex enseignant à l’IPSI, fut l’architecte du système médiatique sous Ben Ali.
Voir http://www.petitions24.net/pour_la_verite_sur_le_systeme_abdelwahab_abdallah.
[32] Cf, L’IVD ou les « restes » de la révolution et de la Troïka, pp 13-16, in, Tunisie : justice transitionnelle et lutte contre la corruption. International Crisis Group. Rapport Moyen-Orient/Afrique du Nord n°168, 3 mai 2016.
[33] A l’instar de la chaîne Attessiâ, qui offre son plateau le soir du 09/01/2017 durant plus deux heures, au beau-frère de Ben Ali, Belhassen Trabelsi, sous le coup de plusieurs procès pour corruption et malversation, de son lieu d’exil, en direct via Skype.
http://www.jeuneafrique.com/391404/culture/tunisie-belhassen-trabelsi-buzz-attessia-tv/