Les Municipales et après

Les élections du 6 mai n’ont pas accouché d’une Tunisie nouvelle. Le rapport de force électoral est quasiment inchangé, malgré quelques déplacements de voix assez significatifs. Et surtout malgré l’absence de millions de voix.
Les mois qui viennent, nous diront si les structures municipales en place sauront déployer une démocratie locale effective. En attendant, quelques constats rapides :

  • L’absence, moins massive que prévu, traduit plus un rejet de la scène politique en place et de ses acteurs qu’une désaffection de la politique comme on a pu le dire. Le désir de politique est toujours là, attesté par la percée des listes dites indépendantes. Même l’abstention des jeunes peut être interprétée comme l’aspiration – contrariée – à une autre politique
  • Le recul significatif de Nidaa Tounès et la victoire à la Pyrrhus d’Ennahdha constituent, d’une certaine manière, une double-bonne nouvelle. L’usage désastreux de la victoire de 2014 par le maître de Carthage et ses affidés a entraîné des dégâts prévisibles. Même s’ils sont amortis par les réseaux clientélaires, la mobilisation abusive des moyens de l’Etat et la rescousse des milieux d’affaires.

Le parti islamiste, quant à lui, apparaît plus que jamais comme la seule formation du pays disposant de relais populaires conséquents. Pourtant, son électorat, en chiffres absolus, a sensiblement reculé et s’est révélé plus volatile qu’on ne l’imaginait. Les dirigeants islamistes,  passée l’Euphorie électorale, savent que cela n’augure rien de bon pour 2019.

  • S’agissant des oppositions, le succès de Tayyar est une leçon de choses. Le discours sans équivoque sur la corruption, malgré un usage quelque peu monomaniaque, est audible jusqu’au tréfonds du pays. Son impact aurait pu être démultiplié si le « Courant » disposait d’un maillage partisan plus étendu.

Le cas de la Jabha est plus problématique. L’élan de 2014 n’est pas cassé, mais il apparaît comme suspendu. La politique du même : même discours, mêmes figures, mêmes querelles, tiendra-t-elle longtemps ?

Cependant, les enjeux profonds des élections sont ailleurs : dans la capacité des nouvelles équipes locales à construire des relais pour les politiques nationales. Au-delà des états-majors, une opportunité s’ouvre pour le renouvellement des manières de faire la politique jusque-là figée dans des standards éculés depuis longtemps.
Certes, « La politique de proximité » ne peut tenir lieu de sésame pour le renouvellement de la culture politique, mais le local est souvent le laboratoire des enjeux nationaux…
Le pays est en droit d’attendre la multiplication de forums à l’échelle des villages, voire des quartiers ; un nouvel élan pour les initiatives écologiques, un soutien et pourquoi pas la multiplication des expériences d’économie sociale et solidaire. Créer dix, vingt, cent « Jemna », pour pasticher un slogan célèbre, voilà une perspective stimulante. De même, il n’est pas interdit d’espérer un redéploiement des politiques culturelles sur l’ensemble du territoire, à rebours des projets pharaoniques post-benalistes…
Après les élections municipales de 2018, rien n’est fait, mais le champ des possibles est de nouveau ouvert.

Pour en discuter, nous avons voulu croiser l’expertise de la cartographie électorale et des regards politiques en invitant Khayam Turki animateur de l’association Joussour, Malek Sghiri historien et militant de la société civile ainsi que notre camarade de Nachaz et du FTDES Maher Hanine.

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