Bizerte 2013 : Demande à ton ombre, de Lamine Ammar-Khodja : Légèreté, liberté, délicatesse

Par Leïla Galaï
Ce premier long métrage de Lamine Ammar Khodja est une invitation au voyage entre Paris, point de départ que l’on voit à peine passer au début du film, Alger ville natale où le réalisateur rentre dans l’espoir de voir aboutir ces émeutes populaires qui secouent le pays en janvier 2011, et Tunis où il va voir «comment ils ont fait, eux».
L’image est furtive, légère, semble refuser de se soumettre à toute convention. Ce qui en ressort, ce que l’on ressent, c’est une sorte de beauté à l’état brut et d’une rare simplicité, ce qui enlève toute barrière entre le film et nous. On se sent comme lié à ce qui se passe. On se laisse emporter par la spontanéité qui se dégage du film. Par exemple, ce groupe d’amis qui discutent  aurait pu être le mien. Ils nous ignorent presque mais on se sent, en tant que spectateur, tout de suite intégré dans leur intimité.
Lamine Ammar Khodja nous entraine au rythme de son film, mêlant humour et vivacité d’esprit, et nous surprend plus d’une fois. Le film est ponctué d’extraits de textes littéraires : de Césaire à Camus, en passant par Kateb Yassine, Mouloud Feraoun, Edouard Glissant. Mais à ces voix d’écrivains connus dont il fait des personnages à part entière (ce que nous confirmera le générique de fin) se mêle celle du réalisateur qui commente, en voix-off, ce qu’il voit, pense et ressent.
On est également pris dans ce rythme  si particulier, dans cette succession de plans tantôt rapide et tantôt lente. Et puis vient ce moment, juste avant l’épilogue, ou l’on voit ces ombres bouger au rythme de Datni Sekra de Cheb Khaled, et on se perd dans cette ivresse qui se dégage de cette scène : cette danse,  tous ces personnages en ombre chinoise, dont cette fille aux cheveux longs dont on ne connaîtra finalement pas le visage, mais qu’importe ? Tout le long du film, l’ombre suffit à traduire cette liberté essentielle qui le traverse et constitue un lien évanescent entre des fragments épars qui le composent.

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