Une deuxième révolution algérienne ?

L’Algérie et nous ? La question n’est pas si évidente.

Le grand voisin nous est-il devenu à la fois plus intime et plus étranger ? A l’heure même où la grande insurrection des villes d’Algérie annonce la deuxième Révolution algérienne, nos dirigeants semblent médusés. Notre opposition a avalé sa langue. Et notre « société civile », naguère si prompte à investir les rues, est gagnée par une inexplicable apathie. Heureusement que l’ATFD a pu mobiliser quelques centaines de manifestants pour exprimer une solidarité avec la grandiose levée de la jeunesse algérienne.
Hier encore, nos gouvernants alternaient les émissaires – islamistes et « séculiers » – qui s’en allaient quémander une aide ou un quitus auprès de Boutef… Aujourd’hui ils sont claquemurés derrière un attentisme angoissé. Quant aux opposants, perclus d’angoisse sur l’issue des événements, ou simplement calculateur et soucieux de ne pas avoir à regretter un engagement hâtif, ils se réfugient dans l’expectative mutique. D’autant que les incertitudes tunisiennes n’offrent aucune « jurisprudence ».
Et nous, encore une fois ? Et la gauche ? Et le camp si divers des démocrates qui portent depuis toujours l’Algérie au cœur et appelaient de leurs vœux le changement démocratique dans ce pays et en rêvaient comme un gage de pérennité pour le notre ? Là aussi silence radio ou presque. Peur de se réjouir trop vite ? de tirer trop de plan sur la comète après les déboires qui ne cessent de désenchanter la post-révolution tunisienne.
Les questions se bousculent. Sans doute aussi parce que nos manières insulaires d’envisager nos devenirs nous empêchent de comprendre le monde qui nous entoure fut-il le plus proche.
Pour sortir de nos peurs et de nos perplexités, nous avons avant tout besoin de comprendre. De comprendre cette Algérie que l’on croyait ensevelie sous les atavismes et dont le peuple est en train de réaliser sa deuxième Révolution algérienne, grandiose d’imagination et de ténacité…
Les grandes mobilisations du vendredi qui ont eu raison des manœuvres dilatoires et ridiculisé les menaces des militaires, ont beau forcer l’admiration du monde, ne dispensent pas de se poser la question sur les limites du « dégagisme ». Le rejet de tous les symboles de l’Algérie d’hier, jusqu’à l’injustice parfois, est-il en lui-même une politique ? Les manifestants jaloux de leur salutaire diversité revendiquent des coordinations horizontales et informelles. Fort bien. La rue ne désemplit pas, mais l’absence de porte-parolat du hirak commence à se faire sentir.
En face, le consensus inter-clanique au sein de l’armé a volé en éclat. Et le « système », cherchant à survivre en gagnant du temps, ne semble pas non plus disposer d’une vision, ni même d’une politique à moyen terme. Les gradés de l’état-major contraints de s’exposer au grand jour, naviguent à vue sans céder sur l’essentiel. L’enjeu est en effet énorme : un pouvoir sans partage depuis des décennies qui seul permet de couvrir toutes les prédations…
Troisième série de questions : de quoi demain sera-t-il fait ? Comment organiser la « transition » comme on dit ici ? Comment se prémunir des probables emballements identitaires qui couvent toujours ? Quel impact l’Algérie démocratique aura-elle sur le contexte géopolitique ? Le rêve maghrébin sera-t-il de nouveau envisageable ?
Afin de tenter de répondre à toutes ces questions nous avons invité deux amis algériens, militants pour une Algérie démocratique et fin connaisseurs des réalités de ce pays.
Yassine Temlali : journaliste, traducteur et chercheur en histoire. Auteur, entre autres, de La genèse de la Kabylie. Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie. 1830-1962. Collaborateur à plusieurs publications dont, le Huffington Post Algérie, Assafir al Arabi, Orient 21…
Lotfi Madani qui a notamment dirigé les programmes de la radio nationale algérienne en langue française pendant des années avant de s’exiler en France où il a enseigné à l’Université d’Aix-Marseille, actuellement installé à Tunis.
Le débat sera animé par notre amie Yosra Frawes, avocate, présidente de l’ATFD et déléguée de la FIDH/Tunisie, membre de la délégation qui s’est déplacée récemment à Alger pour exprimer la solidarité de nombre d’organisations de la société civile tunisienne avec le hirak algérien.

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