FEMINICIDE
UNE JUSTICE PENALE BLOTTIE DANS SES STEREOTYPES DE GENRE
REFKA, RAHMA ET TOUTES LES AUTRES
Sana Ben Achour
Professeure d’Université
Présidente de l’association BEITY
Tunis, le 21 mai 2021
Le féminicide du Kef de la jeune Refka CHERNI (26 ans), survenu le 10 mai 2021, était hélas à craindre. Tuée à bout portant par son époux, agent de la garde nationale, après multiples plaintes pour violences conjugales restées infructueuses, l’affaire jette, encore une fois, toute la lumière sur les « carences» d’une justice pénale blottie dans ses stéréotypes de genre. Interrogé sur l’inertie du parquet (le procureur près le tribunal du Kef) comme des agents de la police judicaire à prendre les mesures d’urgence qui s’imposent « en cas de péril imminent», le chargé de l’affaire ou son porte-parole s’est empêtré dans de vaines réponses, affirmant que la victime avait retiré sa plainte la veille de « l’accident».
Reprenons les éléments de cette funeste affaire pour montrer en quoi elle n’est pas simple malchance, un malencontreux accident de parcours imputable au seul comportant isolé de son auteur déviant. Participant d’un véritable «féminicide» (l’homicide des femmes pour la seule raison qu’elles sont femmes), lui-même expression de rapports sociaux de genre construits sur la toute-puissance du masculin, le phénomène continue d’être occulté par les législations nationales et excusé et /ou « banalisé » par la pratique dominante de corps administratifs et judiciaires tout imprégnés des valeurs de la sainte famille patriarcale du statut personnel
- LE PASSIF DE LA LEGISLATION TUNISIENNE CONCERNANT LE MEURTRE DES FEMMES
L’homicide de Refka est d’une triste et affligeante banalité. Chaque année dans le monde l’on fait le même décompte macabre des femmes tuées par un partenaire intime ou un membre de la famille. En 2017, elles étaient 50000 dans le monde[1] En France, en 2019, 146 femmes ont été tuées par leur « partenaire » soit 25 victimes de plus qu’en 2018, correspondant à une augmentation de 21 % des cas de féminicides en un an[2]. En Tunisie, les chiffres pourtant connus du Ministère de la Justice, ne sont toujours pas rendus publics. Les quelques travaux académiques, glanés ici et là, font état d’un total de 52 femmes victimes d’assassinats en 2017, dont 12 de moins de 17 ans, soit 16 % du total des 311 homicides dénombrés au cours de la même année. Ces chiffres, que corroborent les études à l’échelle mondiale, montrent en effet que si les hommes représentent 81 % du total des crimes d’homicides, les femmes représentent 64 % des victimes de leurs proches et entourage familial et 82 % de leurs partenaires intimes : le mari, l’ex- mari, le fiancé, l’ex-fiancé, le compagnon, l’ex-compagnon, etc. Les modes opératoires divergent selon les pays et les cultures mais tous participent des mêmes violences de genre fondées sur la différenciation des statuts et des attributs du masculin et du féminin. On dénombre onze cas de figures : le meurtre à la suite de violences conjugales ; le crime d’honneur ; le crime dit passionnel ; l’assassinat lié à la dot ; le décès suite aux mutilations génitales ; le meurtre sur accusation de sorcellerie ; le meurtre lié aux gangs, à la traite, à l’exploitation économique, à la prostitution forcée, à la servitude, à l’orientation sexuelle, etc.
- LE FEMINICIDE : VERS UNE INCRIMINATION AUTONOME ?
La fréquence et l’ampleur d’un phénomène en progression -alors que partout le crime est en baisse- ont poussé les groupes et les associations féministes de par le monde à revendiquer la qualification pénale du féminicide et son inscription comme une incrimination autonome. Celui-ci en effet ne serait pas un homicide semblable aux autres meurtres mais bien un meurtre « genré » impliquant un mobile « misogyne », participant de la nature patriarcale des rapports hommes/femmes et un outil de répression pour le maintien de la domination masculine. Son inscription dans la loi pénale permet de rendre visible une réalité trop longtemps indifférenciée dans les catégories « généralisantes » et faussement neutres du droit ainsi qu’une meilleure prise en compte du caractère sexo-spécifique des crimes visant les femmes. Si des avancées ont été réalisées depuis l’introduction de la circonstance aggravante de sexisme dans le code pénal français, elles demeurent insuffisantes aux yeux de certain-e-s. « Persister à ne pas nommer – écrit l’avocat Pierre Farge- et refuser de qualifier le féminicide revient à masquer une violence spécifique. Le terme féminicide donne en effet une visibilité à ces mortes, même si l’arsenal judiciaire permet déjà d’en condamner les auteurs »[3].
Cette position s’est heurtée en France à une forte opposition au nom du principe universaliste du droit et des risques d’atteinte au principe d’égalité devant la loi. Dans son avis sur les violences contre les femmes et les féminicides (26 mai 216), la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme n’a pas jugé opportun de conférer à la notion un caractère juridique tout en recommandant l’introduction d’une circonstance aggravante « à raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre de la victime ».[4]
En ce sens, l’article 171 de la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017 est venu introduire la circonstance aggravante, désormais prévue dans l’article 132-77 du code pénal comme suit. «Lorsqu’un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime ou d’un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée, soit établissent que les faits ont été commis contre la victime pour l’une de ces raisons, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé […]». Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer positivement sur la conformité de cette disposition à la constitution, considérant dans sa décision en date du 26 janvier 2017, que la notion d’identité de genre était suffisamment claire et précise pour que soit respecté le principe de légalité des délits et des peines. Le législateur visait le genre auquel s’identifie une personne, qu’il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l’état-civil ou aux différentes expressions de l’appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin[5].
Le débat juridique est toujours aussi tranché entre opposant-es à la codification pénale du féminicide et partisan-e-s de sa reconnaissance pour qui, là où la réalité est distincte, la loi peut distinguer sans enfreindre le principe d’égalité. D’autant qu’il est souvent rappelé par le Conseil Constitutionnel français, que « le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit »[6].
L’on peut noter qu’au-delà de ces crispations, la notion de «féminicide» a réalisé d’importantes percées juridiques. Au plan international d’abord, avec la résolution des Nations unies, appelant l’adoption de mesures contre les meurtres sexistes des femmes et des filles et le rapport de Mme Manjoo, rapporteure spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences[7]. Au plan européen ensuite avec le rapport de la Commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen qui appelle « les États membres à qualifier juridiquement de « féminicide » tout meurtre de femme fondé sur le genre et à élaborer un cadre juridique visant à éradiquer ce phénomène »[8]. Enfin, au plan interne à certains Etats, comme les Etats d’Amérique Latine qui, très tôt pour certains, ont qualifié dans leur droits nationaux les meurtres pour violences de genre comme des féminicides. Ainsi, en est-il du Mexique dès 1992 qui a réprimé le féminicide qu’il a défini expressément « comme le fait de priver une femme de la vie pour des raisons de genre » (art. 325 Cde Pénal)
- LE PASSIF DE LA LEGISLATION TUNISIENNE CONCERNANT LE MEURTRE DES FEMMES
Comme chacun sait, la Tunisie s’est dotée en 2017 d’une législation avant-gardiste de lutte contre les violences à l’égard des femmes, après avoir inscrit à la charge de l’Etat l’obligation constitutionnelle de prendre les mesures nécessaires à les éradiquer (Art.46, Constitution du 27 janvier 2014). D’inspiration féministe, sur le modèle espagnol de la loi intégrale de lutte contre les violences de genre adoptée en 2004, elle a pour champ «toutes les formes de discrimination et de violence subies par les femmes fondées sur la discrimination entre les sexes, quels qu’en soient les auteurs ou le domaine». (art.2)[9].
Le changement de perspective est radical. Le pays a longtemps vécu sous le règne d’un droit pénal construit sur le principe de l’honneur des hommes. L’ancien code de 1861 (qanun al Jinayat wal ahkam al-orfiya), code moderne s’il en faut, excusait totalement le crime commis par un homme sur sa femme ou ses « mahram », les femmes de parenté prohibée, surprises au domicile conjugal ou familial en situation « compromettante » avec un homme, considérant que « leur sang étant de vile valeur, il n’a pas de prix et peut être gaspillé » (damuhum hadrun, art. 378, Jinayat). Le code pénal tunisien de 1913, reproduisant le schéma napoléonien de la toute-puissance maritale (1804), a, quant à lui, déclassé en simple délit punissable de 5 ans d’emprisonnement (Art. 207 ancien) « le meurtre commis par l’époux sur son épouse ou sur le complice au moment où il les surprend en flagrant délit d’adultère ». Notons au passage que L’adultère étant par ailleurs jusqu’en 1993 une incrimination exclusivement féminine (art.236), tout comme l’infanticide (art.211), ou l’excitation à la débauche (réintroduite en 1968) que l’on définit à nos jours comme étant « le fait des femmes qui, par gestes ou paroles, s’offrent aux passants ou se livrent à la prostitution même occasionnelle » (art. 231).
Les féminicides ressortent ainsi souvent de la justice privée des hommes de punir les femmes. Les historien-ne-s avancent justement cette hypothèse d’anthropologie culturelle pour expliquer la dissymétrie de la population carcérale entre les hommes et les femmes, même si aucune loi universelle ne peut être tirée de ce constat pourtant général. Il est d’évidence qu’à certaines époques comme du reste aujourd’hui dans bien des pays, la justice demeure inaccessible aux femmes dont les châtiments et la répression ne se passent pas dans les prétoires mais reviennent en priorité au groupe familial : bastonnades, retrait de l’école, réclusion, séquestration, confiscation des titres de voyage, mariages forcés, homicides.
Ces temps, hélas, ne sont pas révolus et la législation de 2017, malgré son bon esprit, n’est pas parvenue à y mettre fin. Loi complexe, elle apporte à l’évidence, nombre d’innovations tant au titre de la prévention – en intimant à différents ministère d’assurer formations, sensibilisations et programmes didactiques-, qu’au titre de la protection ou de la prise en charge des victimes : Ordonnance de protection, mesures d’urgences, accès à l’information, aide judiciaire, réparation équitable, suivi sanitaire, accompagnement social, hébergement immédiat. Or, tout en redéfinissant certaines infractions du vieux code pénal, en les épurant de leur esprit surannée, la loi 2017-58 est restée timide au sujet « des infractions de violences à l’égard des femmes (Chapitre III). Une bonne partie a été retouchée dans le sens d’une aggravation de la peine dans certaines circonstances nouvellement établies liées à la victime ou à l’auteur. Par exemple, lorsque les faits ont eu lieu sur enfant, ou entre conjoints- ex conjoints / fiancés, ex-fiancés, au sein de la parentèle quand l’auteur est un ascendants, ou un descendant de la victime, ou dans les situations d’autorité exercée sur la victime ou encore de vulnérabilité liée au grand ou au jeune âge, à la maladie grave, la grossesse, la carence mentale ou physique, etc.[10].
D’autres infractions ont été rajoutées aux anciennes, telles les défigurations et les mutilations partielles ou totales de l’organe génital de la femme (article 221 § 3) ; la maltraitance habituelle de son conjoint ou d’une personne en situation de vulnérabilité ou lorsque l’auteur a autorité sur la victime (art. 224 § 2), l’agression répétée sur conjoint par usage de paroles, signaux et actes (article 224 bis). Enfin des infractions nouvelles, inédites y ont été prévues comme autant d’incriminations spécifiques participant du nouveau droit pénal spécial aux violences à l’égard des femmes : L’acte de gêner volontairement une femmes dans un lieu public (art. 17), la violence politique ( art. 18) ; Les discriminations économiques fondées sur le sexe (art. 19), l’emploi direct ou indirect d’enfants comme employés de maison ( art.20), l’exercice volontaire d’une discrimination à l’égard de la victime la privant de ses droits (art. 21). Plusieurs nouveaux aménagements ont été prévus, dont non des moindres l’abolition du désistement de la victime donnant ainsi aux affaires de violence à l’égard des femmes le caractère public, le prolongement des délais de prescriptions de l’action publique dans les situations de violences sexuelles. Comme on peut le constater, les dispositions de la loi 2017-58 n’instituent au total que peu d’infractions spécifiques à raison du genre et pas du tout de circonstances aggravantes à raison du sexisme à l’encontre des femmes. Pas même l’acte extrême du féminicide. Ses éléments n’y trouvent, en tant que tel, aucune place. Or, c’est de cela qu’il s’agit dans l’histoire de Refka que son mari menaçait de mort jusque dans les locaux du commissariat de police la menaçant de retirer sa plainte faute de quoi il « la tuerait et l’enverrait en enfer ».
Ainsi donc, en se laissant couler dans la logique généraliste du code pénal, la loi de 2017 a perdu en partie sa raison féministe. Les modifications quand elles ont été possibles se sont évertuées à atténuer autant que faire se peut les effets « pervers », sexistes et de morale patriarcale des dispositions anciennes les plus ouvertement rétrogrades du code dans le domaine des relations conjugales et des agressions sexuelles comme par exemple l’article 227 bis ancien sur le viol de la mineure et son mariage au violeur dont l’effet était d’arrêter les poursuites et de suspendre le procès. Il faut reconnaitre qu’une querelle s’est installée dans le pays à propos des premières moutures du texte desquels a été supprimée l’expression genre que d’aucuns considéraient comme attentatoire à la culture arabo-musulmane et à la binarité naturelle entre les sexes : masculin/ féminin. Raboté et réduit à sa plus simple expression, le texte a pâti de ses renoncements et de ses non-dits.
- DES DEFAILLANCES EN SERIE DU PROCESSUS PUBLIC DE PROTECTION DES FEMMES EN CAS DE PERIL IMMMINENT
L’affaire Refka a été un révélateur des défaillances du processus de protection dû en situation de péril imminent. Elle témoigne non seulement de la déplorable méconnaissance de la loi, mais plus grave encore, des déficits et carences du dispositif judiciaire, règlementaire et administratif de sa mise en œuvre. Tout cela bien évidemment dans une ambiance générale de misogynie ordinaire.
Plusieurs obstacles se seraient dressés sur la route Refka. En fait, celle-ci tout en subissant les violences répétées de son époux, semblait tenir à lui et être toujours sous son emprise, hésitant en permanence entre intention de porter plainte et désir de poursuivre sa vie de couple : ses enfants étant encore en bas âge et ses rêves… à assouvir. La veille, au commissariat de police, elle se serait désistée. Elle aurait même caché les traces de strangulation à la main autour du cou. Au fond, Il n’y a rien d’étonnant à cela. Pour les spécialités, les féministes et expert-e-s du genre, c’est le scénario le plus dramatiquement classique, celui du cycle des violences conjugales où alternent phases de tensions et de disputes et phases de justifications et de réconciliation, dont le but est, pour l’auteur, de maintenir son emprise sur sa victime. Comment sachant cela, a-t-on pris au premier degré les déclarations de cette femme en la laissant repartir chez elle, au bras de son bourreau ? N’a-t-on pas su évaluer les risques et le péril malgré un Certificat médical initial (CMI) de 20 jours, ce constat médico-légal permettant d’attester devant la justice du préjudice subi par la victime ? N’était-il pas suffisant ? Et pourquoi n’a-t-on pas actionné les mesures de protection que la loi octroie aux Unités spéciales contre les violences en cas de péril imminent, à savoir, l’éloignement de l’auteur du domicile, l’interdiction d’approcher la victime ou de se trouver à proximité de son domicile article. Les autorités ne sont-elles pas tenues d’apporter « la protection juridique appropriée à la nature de la violence exercée de manière à assurer la sécurité de la victime, son intégrité physique et psychologique et sa dignité ainsi que les mesures administratives, sécuritaires et judicaires requises à cet effet dans le respect des spécificités [de la victime] » (art. 13 tiret 1). Et pourquoi l’agresseur se trouvait-il là, sur les lieux, au commissariat de police au moment de la déposition de son épouse ? Ne savait-on pas qu’il devait être éloigné de sa victime ? Ne pouvait-on se douter, voire constater de visu, qu’il tentait de la contrôler, la maintenir sous son emprise et lui faire peur pour retirer sa plainte ? Ne pouvait-on logiquement craindre qu’il fasse usage de son arme ? La loi ne fait-elle pas obligation aux autorités en charge « d’assurer l’écoute et l’examen dès la réception des plaintes en rencontrant les parties et les témoins dans des salles séparées tout en assurant leur intégrité » (art. 39 tiret 4).
L’on peut multiplier à l’infini nos interrogations sur ces grotesques manquements. A mon sens, ils ne sont pas simples dérapages imputables à la seule insuffisance des moyens humains, didactiques, administratifs, matériels ou logistiques dont souffrent et se plaignent les autorités en charge des violences à l’égard des femmes, mais bien à un imaginaire général tout imprégné de discriminations de genre et de misogynie ordinaire portés en tandem par le code pénal et celui du statut personnel.
Il suffit de rappeler que la loi de 2017-58 se heurte toujours aux catégories immuables du genre du code pénal qui pénalisent les personnes non pour leurs actes délictueux mais à raison de leur statut et position sociale de « subalternes » et discriminé-e-s dans une société patriarcale ordonnée sur la valeur différentielle des sexes et des classes. Comment appliquer correctement la loi 2017-58 lorsque l’on continue de véhiculer officiellement les idées de la prostitution des femmes (article 236), de l’infanticide des mères (art. 211) du mauvais pauvre et de la mendicité (art 171), de la pénalisation des identités de genre (art. 230), du rapt de la fiancée (art. 239) ? A ces survivances d’un autre âge, il faut ajouter celles, sacro-saintes, du statut personnel. Comment appliquer correctement la loi 2017-58 sur les violences conjugales et intrafamiliales face à un code du statut personnel reproduisant les privilèges masculins, la puissance des agnats et oragnisant la servitude des femmes ? Celui-ci est toujours porteur du modèle du mari chef de famille, des parts doubles de l’héritage au profit des hommes, du devoir conjugal, de la dot des femmes, du domicile conjugal, de la contrainte à la consommation du mariage, de la filiation paternelle, du délai de viduité de l’épouse, de la tutelle du père, de la religion du père, de l’enfant trouvé (laquit), etc.
La lutte contre les violences de genre n’est pas une petite affaire se suffisant d’une loi, aussi courageuse soit-t-elle, dépourvue d’un environnement législatif et règlementaire adéquat. C’est une affaire sérieuse et urgente qui nécessite une refonte générale de fond en comble d’un droit anomique en décalage flagrant avec les valeurs fondamentales d’égalité, de non-discrimination, et de dignité des personnes. En vérité, le travail a été remarquablement « mâché » et la voie toute tracée par le rapport de la COLIBE, la Commission de l’égalité et des libertés individuelles (1er juin 2018). C’est le courage politique et volonté de faire autrement qui manquent.