À quatre mains

 
 
    
 
 
Le ver est dans le fruit
le fruit est défendu
le rêve est révolu
 
des mots éclatent
derrière ton dos
et la déflagration se perd
au milieu du silence aride
des constellations
 
plus loin
une ombre érodée rouille
comme une épave oubliée
sur le rebord du monde
 
plus loin encore
le vent désinvolte
feuillette à l’envers
un éphéméride
en mal d’imagination
 
machinalement
le soleil crache sa cendre humide
sur des rues creusées de rides
 
la nuit tombe des nues
et le ciel
désœuvré
égrène les cases infinies
de son échiquier
 
Le vert est dans le fruit…
larme d’émeraude sur tes joues rosées
comme les lèvres mûres d’une plaie
décousue
 
Le fruit est en deux fendu…
côté cour côté jardin
côté cœur côté chagrin
 
Le rêve évolue…
mais l’encre est trouble
et la scène est biaisée
 
 
il n’y a plus grand-chose dans ton sac à malices
ni miroir magique
ni pantoufle de vair
ni bottes de sept lieues
ni serpent à plumes
ni oiseau de feu
ni sésame
ni talisman
ni calame
ni lapin blanc
 
restent des mots
rien que des mots
mauvaise herbe
de caniveau
des mots acerbes
des mots déserts
des mots avides
des mots amers
des mots hybrides
des mots couverts
tournant à vide
dans l’hémisphère
et qui dévident
leur écheveau
à contre-fil
à fleur de peau
 
tu pourras gronder encore plus fort
tu pourras distordre les lignes de ton corps
tu pourras vomir ta verve et ton verbe
à la face du jour qui s’embrume
ce ne sera jamais rien
qu’une tempête
dans un verre d’eau
 
Le fruit est dans un vers
qui rêve de prendre la mer
au dépourvu.
 
 
 
Olfa Mzali
 
 

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