Introduction d’un texte pour la Palestine, Par Aziz Krichen

31 octobre 2023

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Il ne faut pas regarder ce qu’il se passe à Gaza avec les lunettes d’autrefois. Le monde est en voie de changement rapide, ses anciens équilibres sont sans cesse modifiés. Dans ce processus de transformation, la question palestinienne est appelée à jouer un rôle crucial, sans doute plus important, en termes géostratégiques, que la guerre menée actuellement en Ukraine. L’affolement hystérique qui s’est emparé des gouvernements et des médias occidentaux, après le 7 octobre et les assauts victorieux de la Résistance, le confirme amplement.

Ce texte comporte trois parties. D’abord un plan large, pour mettre en évidence les derniers développements du contexte international. Ensuite un plan plus réduit, centré sur la nouvelle répartition des forces à l’échelle des pays arabes et du Moyen-Orient. Enfin, un plan encore plus resserré, focalisé sur Gaza et la Palestine. Faire intervenir ces trois niveaux est nécessaire à l’analyse, car ils agissent les uns sur les autres plus étroitement que jamais.

Avant de commencer, cependant, quelques mots d’explication pour présenter le fond du problème palestinien. Le conflit est un conflit essentiellement colonial, opposant un occupant étranger à une population native qui refuse de se laisser expulser de sa terre.

L’entreprise de colonisation a été mise en œuvre au début du siècle dernier par la Grande-Bretagne (Déclaration Balfour de 1917) (1), première puissance impérialiste à l’époque. Elle consistait à utiliser la base démographique du sionisme européen récemment créé, pour disposer d’un levier lui permettant d’asseoir sa domination sur ce que l’on appelait le Levant, à travers la technique impériale classique du diviser pour régner (2).

L’ignominie des crimes commis par le nazisme à l’encontre des juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale a donné ensuite à l’affaire une dimension quasiment métaphysique, la forme d’une rédemption voulue par Dieu et par les hommes. L’holocauste a été instrumentalisé par les Occidentaux pour donner à la création de l’Etat d’Israël en 1947, sur le sol palestinien, l’aspect d’une réparation, d’une compensation à l’égard de populations anciennement persécutées. Sans aucun égard, toutefois, à l’endroit des nouvelles populations qui allaient être persécutées en retour et n’étaient pour rien dans le malheur causé aux précédentes.

A partir de cet odieux chantage moral, la colonisation de la Palestine est devenue légitime et la résistance à l’occupation illégitime. Les nouveaux oppresseurs ont obtenu un statut de victime éternelle et les nouvelles victimes un statut de bourreau par principe. Cet habillage mensonger et méprisable de la réalité du colonialisme sioniste a longtemps trompé. Il a beaucoup nui à la cause palestinienne et beaucoup servi les intérêts des Américains quand ils ont pris la relève des Britanniques dans la région dans les années 1950.

Mais les temps ont changé. Les anciens prépondérants ne sont plus aussi prépondérants ni leurs gigantesques machines de propagande aussi efficaces qu’auparavant. Le discours de légitimation d’Israël ne peut plus faire illusion aujourd’hui, lorsque chacun peut voir, en direct depuis la télévision, la soldatesque sioniste redoubler de férocité et de sauvagerie, en assassinant par milliers les enfants et les femmes de Gaza et des autres territoires occupés.

Quoi qu’il en coûte, cela n’arrêtera pas le cours des événements. Le combat des Palestiniens pour leur liberté se poursuit. Il se poursuivra au prix d’un lourd tribut de sang et de larmes, au prix d’un authentique martyre. Le peuple palestinien le sait et l’accepte. C’est la raison pour laquelle il vaincra. Les peuples prêts à mourir pour leur indépendance ne meurent jamais.

1 – Il s’agit d’une lettre signée d’Arthur Balfour, ministre anglais des Affaires étrangères, adressée à Lord Lionel Walter Rothschild – banquier britannique et principal financier de l’Organisation sioniste internationale –, dans laquelle il déclare que son gouvernement est favorable à l’établissement d’« un foyer national pour le peuple juif » (a national home to the Jewish people) sur le territoire palestinien. On est alors en pleine guerre mondiale. A la fin du conflit, la SDN (Société des nations, ancêtre de l’ONU) place la Palestine sous mandat britannique pour une durée de 25 ans (1923-1948). C’est durant ce quart de siècle que débute la colonisation effective du pays. Cette colonisation est une colonisation de peuplement : 60.000 juifs en Palestine en 1914 ; 630.000 juifs en 1947. Elle s’accompagne automatiquement d’une occupation de la terre et provoque les premières formes de résistance de la population arabe. Résistance réprimée par les troupes d’occupation anglaises, aidées dans leur tâche par deux organisations terroristes sionistes créées à cette fin, la Haganah et l’Irgoun, d’où sortira plus tard l’armée officielle d’Israël.

2 – Au XX e siècle, la Grande-Bretagne ne disposait plus du surplus démographique lui permettant de procéder par elle-même à de nouvelles colonisations de peuplement.

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