Page 38 - Deuxième session de Premiers gestes Jeune cinéma de Méditerranée
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La question du territoire au cinéma
Désordre des limites
Le cinémanous semble aujourd’hui, plus que jamais, travaillé par la question
du territoire, de sa traversée et de ses limites. Certes, la mobilité a marqué
le cinématographe dès sa naissance, mobilité de l’image (photographie
en mouvement) mobilité des sujets filmés, mécaniques, animaliers, humains
(chevaux galopant, humains traversant la place, trains arrivant en gare
etc…), mobilité de la caméra (travellings et autres panoramiques), mobilité
des opérateurs (envoyés à travers le monde, à Venise, à Alger, au Caire,
à Moscou etc…). Cette traversée des frontièress’est poursuiviedans
l’histoire du cinéma, particulièrement dans le domaine de la diffusion des
films. Pour le meilleur (une plus large connaissance du cinéma) et pour le
pire (une répartition inégale de la production).
Aujourd’hui le mouvement s’est accéléré de façon qualitativement
différente.Et toujours pas économiquement équitable.Dephysique,le
mouvement est devenu de plus en plus virtuel à la faveur d’une numérisation
de l’outil qui a fini par couvrir l’ensemble de la chaine de fabrication, du
montage jusqu’à la projection. Le film bouge d’autant plus vite qu’il a
perdu toute matérialitémais il n’est plus seul à bouger. Les hommes eux-
mêmes, réalisateurs ou faiseurs de films, techniciens, acteurs, critiques n’ont
de cesse de migrer selon des modalités et des raisons diverses, bien
différentes de celles des années 40/30 même si les troubles politiques y sont
toujours pour quelque chose.(Peut-êtrecela est-il plus vrai encore pour
des raisons historiques dans notre région méditerranéenne). La poétique
même du film en a été affectée, les frontières géographiques ne sont plus
les seules à être remises en question ; celles des genres (documentaire/
fiction, court/long, expérimental/commercial, moderne/classique etc…) et
même celles, ontologiques du film lui-même (ne devrait-on pas reposer la
question de Bazin, qu’est-ce que le cinéma aujourd’hui ?) en tant qu’art
spécifique se sont déplacées brouillant les limites qui, jadis, séparaientplus
distinctement musique, littérature, théâtre, arts plastiques etc… Du coup,ce
« désordre » territorialenglobe indistinctement tout à la fois l’espace
géographique (celui du déplacement des hommes et des produits) et
l’espace poétique (celui, filmique, de la migration des catégories de
discours) dans une transformation fondamentale où se mêlent,comme
jamais ils ne se sont mêlés, le politique, l’esthétique etl’économique.
C’est cette migration trans-géographique, trans-poétique que nous
essaierons d’interroger d’autant que (et parce que) les films que nous
portons dans Archipels Images en représentent une expression exemplaire.